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  • rouillonvincent

Élagage, limites séparatives et droit

Dernière mise à jour : 27 juin 2023


Elagage en limites séparatives et bords de voies publiques : La nécessaire anticipation, le discernement et le compromis pour que l’exercice du droit ne nuise pas à la bonne santé des arbres et n’amène pas une dangerosité supérieure.

Une réduction excessive et/ou réalisée à la mauvaise saison, de manière trop ponctuelle et intensive, ou sur des arbres dont l’implantation originelle (ou celle des aménagements réalisés alentours) a été mal raisonnée, sans prise en compte de la place nécessaire à leur croissance, amène les végétaux à sur-réagir pour se protéger de l’impact de l’affaiblissement induit de leur surface foliaire, de leur capacité photosynthétique et des mécanismes physiologiques (évapotranspiration et flux de sève, croissance, élaboration et renforcement des tissus, réactions de « compartimentation » suite aux blessures...) ; ainsi, pour protéger ses ressources, l’arbre, organisme vivant, peut « abandonner » l’alimentation de parties distales de son houppier (branches les plus éloignées), ou insuffisamment ramifiées, afin de limiter les pertes préjudiciables à l’ensemble de l’arbre, un peu comme le ferait un corps humain pour protéger ses organes vitaux en cas de grave blessure sur un membre. Les branches ainsi condamnées vont sécher en quantités importantes, se fragmenter, et tomber. Ces réactions peuvent devenir critiques et dangereuses en période de sécheresse, accentuant par exemple le risque de survenue de ruptures par cavités estivales.

En limite de propriété, plusieurs situations peuvent exister :


En limite avec les voies publiques ouvertes à la circulation routière

Le maintien du gabarit routier est nécessaire ; un élagage à l’aplomb strict du bord de la chaussée peut être prévu dans la Loi, mais est souvent difficilement réalisable de manière systématique et absolue, sauf à fragiliser les arbres et générer une situation plus dangereuse avant qu’après les travaux d’élagage. Le choix des essences, la distance de plantation (ou de création des routes), et des modes de conduite des arbres doit être spécifiquement envisagé : certaines pratiques comme celles des « arbres têtards », ou en « têtes de chats » et autres formes « architecturées » ou « semi-libres » peuvent alors être apparaître opportunes si suivies dans la durée, permettant des prélèvements de moindre intensité.


Entre propriétés (publiques ou privées)

L’implantation minimale réglementaire des végétaux à distance des limites séparatives en fonction de leur hauteur - 50cm pour les végétaux de moins de 2m et 2m pour ceux de plus de 2m – est toujours insuffisante tant sur le plant du respect de la biologie des végétaux que pour leur entretien. Ces distances sont prises à partir de l’axe du tronc, hors un végétal arbustif de moins de 2m de haut présente couramment un volume ramifié de 50cm de rayon (cas d’une haie ou d’un arbuste de 1m de large), ce qui ne laisse aucun espace entre l’extrémité des rameaux et une clôture d’enceinte si aucune marge n’a été prévue pour circuler et procéder à l’entretien. Si cette configuration existe déjà malheureusement du fait d’une mauvaise anticipation de l’implantation, il ne reste que la solution de coordonner entre voisins l’entretien des végétaux en mitoyenneté (sur l’axe de la limite séparative), ou a se prévaloir du droit jurisprudentiel dit du « droit d’échelle » pour accéder par la propriété voisine (avec avis préalable).

Si des végétaux – arbres ou arbustes de plus de 2m de haut ont poussé librement, ou dont l’implantation et la croissance n’ont donné lieu à aucune contestation officiellement formulée, pendant une durée de 30 ans, alors un voisin ne peut demander de les réduire à 2m de haut, MAIS… il peut en obtenir leur élagage aux frais du propriétaire des arbres.

Pour les arbres et végétaux de plus de 2m de haut, un élagage à l’aplomb strict de la limite séparative peut donc être exigé par voie de justice. Cette situation peut être l’une des pires issues en terme de conservation en bon état sanitaire des arbres et donc de sécurité. En effet, si un arbuste (végétal dont la hauteur de croissance à maturité telle que limitée par sa génétique n’excède pas 5 à 7m) supporte plus ou moins difficilement des tailles à 50cm de son axe central, il en va tout autrement des arbres dont les hauteurs de croissance A MATURITE les portent à plus de 7m – fréquemment 15 à 30m de haut pour nos essences européennes - et à des diamètres de tronc pouvant aller jusqu’à plus d’un mètre (A titre de comparaison, la hauteur d’une habitation à 2 niveaux plus l’étage sous toit est habituellement de 9 ou 10m.). Concrètement, et à titre d’exemple, même implanté jeune en conformité réglementaire à 2m entre l’axe de son tronc et la limite séparative, un arbre de 20m de haut - pas forcément encore à maturité - mais dont le tronc mesure déjà 50cm de diamètre, et dont le bord externe de l’écorce serait situé à 1,75cm de la clôture, présentera normalement des branches basses d’une section de 20 et 25cm lorsqu’elles viennent croiser la limite séparative ! Un élagage aussi près du tronc, à 1,75cm de distance du point d’insertion de la branche reviendrait à amputer la moitié du houppier de l’arbre sur toute sa hauteur. Les conséquences en terme de dégradation de la physiologie de l’arbre, de perte de vitalité, de dessèchement et chute de branches, de perte de vitalité du système racinaire – et donc d’ancrage dans le sol (!) - peuvent être irréversibles et catastrophiques. Si malheureusement cette situation ne trouve pas de compromis raisonnable entre voisins, et plutôt que l’application de décisions sans discernement proposées par des médiateurs mal informés, il peut devenir nécessaire de procéder à l’abattage ou au démontage en espace contraint de l’arbre, afin de ne pas générer une situation plus dangereuse encore du fait de travaux d’élagage drastiques réalisés dans le seul soucis d’une conformité légale administrative.

Pour autant, un élagage ne peut être réalisé d’initiative par un voisin – l’arbre est la propriété de celui sur la propriété duquel il se trouve – même si les branches de cet arbre dépassent hors limites. La réglementation est différente pour les racines et les fruits de l’arbre tombés au sol ; le propriétaire voisin pouvant alors couper à son initiative les racines et ramasser les fruits sur sa propriété, à la condition toutefois que cette atteinte au système racinaire ne fragilise pas l’arbre qui ne lui appartient pas : sa responsabilité civile pourrait être mise en cause…

Quelle que soit la situation, il ne faut, en définitive, pas oublier que les arbres sont des éléments vivants, soumis à aléas naturels imprévisibles, que la suppression totale des risques est impossible (situation du cône de pin décroché par un coup de vent… ou un écureuil), mais que le propriétaire à la responsabilité des choses et des biens dont il a la garde, et des conséquences liées. La solution est globale, constituée d’anticipation des situations, d’analyse des risques, afin de déterminer une gestion raisonnée, évolutive et différenciée en fonction des contextes, avec la considération du compromis, et en gardant en tête qu’un arbre sain, sous lequel des contraintes anthropiques n’ont pas été rapportées, n’a pas besoin de subir des tailles qui le fragiliseront (a minima par des blessures que l’arbre parviendra plus ou moins aisément à compartimenter).

Evidemment, la souscription d’une assurance en responsabilité civile adaptée contribue également à une meilleure sérénité des propriétaires les jours de grands vent...



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